Anniversaire des stigmates de saint François d'Assise
1224-2024
La vie de Saint François
histoire de François commence à Assise.
François commença très tôt à aider son père dans son commerce. L'argent qu'il gagnait en travaillant, il préférait le dépenser en fêtes avec ses amis. Son père lui disait "Te crois-tu donc le fils d'un grand Seigneur?" François s'en moquait. Il faisait la fête, faisant des farces aux bourgeois, buvant sec. Il s'était fait faire un habit de jongleur et déambulait avec sa bande dans les rues d'Assise en pleine nuit. Après quelques temps, il décida de se faire chevalier. Il disait à ses amis "Je vais devenir un grand prince!" Comme il montait fièrement son cheval et essayait sa nouvelle armure, il rencontra un de ses amis; mais celui-ci était un noble ruiné. Son armure était affreuse et son cheval rabougri. François hésite, mais son coeur l'emportant il se défait de son armure et donne son cheval au jeune noble; François lui dit: "Tu es plus digne que moi de monter ce beau cheval et de revêtir cette armure. Tu es noble, je ne suis que le fils d'un marchand!".
François se décide enfin à rejoindre le Comte Gauthier qui, avec quelques chevaliers français, avait mis son épée au service du Pape. Mais en cours de route, à Spolète, Saint François tombe malade. Il est au lit quand une voix lui dit:
"Où vas-tu?"
- En Pouille pour devenir chevalier.
"Dis-moi, François, du maître ou du serviteur, qui des deux est le plus capable d'être généreux à ton égard?"
- Le Maître! répond François.
Alors reprend la voix, "Pourquoi abandonnes tu le maitre pour le serviteur et le prince pour le vassal? "
- Que veux tu que je fasse Seigneur ?
"Retourne dans ton pays".
Cette voix venait de Dieu. Il n'en comprit pas bien le message, et songeur retourna à Assise.
Le Christ apparaît à Saint François en rêve - Giotto
Mais sa vie prit un autre cours en retournant chez lui. Il sentait que sa vie était superficielle et vide.
Ses parents songèrent à le marier. Saint François le jeune homme qui faisait avec joie l'aumône, comprit que le Maître qu'il fallait servir c'était le Christ et que sa fiancée était "Dame Pauvreté". C'était en 1205. Il avait 23 ans. Désormais tout son argent passerait pour l'Eglise et les aumônes. Mais il se rendit compte qu'il fallait faire plus.
Il fit un pélérinage à Rome et rencontra un pauvre. Il échangea ses habits avec lui et se mit à mendier à la porte d'une église, faisant ainsi l'expérience de Dame Pauvreté. A la fin du jour, il donna le fruit de sa quête au pauvre, reprit ses habits et rentra tout joyeux à Assise. Il savait que la grande pauvreté ne lui ferait pas peur.
Un jour, François était à cheval près d'Assise, un lépreux vint à sa rencontre. François avait horreur des lépreux: il refusait de les voir ou de s'approcher de leur habitation. Si il devait croiser un lépreux il tournait la tête et se bouchait le nez avec les doigts. Ce jour la, il se fit violence, descendit de cheval, donna une pièce d'argent au lépreux en lui embrassant la main. Il remonta à cheval et continua son chemin. A partir de la, il commença à se mépriser de plus en plus. Quelques jours plus tard, muni de beaucoup de pièces il alla rendre visite aux lépreux de l'hospice. Les ayant tous réunis, il donna une aumône et embrassa la main de chacun d'eux. Il s'était vaincu lui même, et à partir de cette époque il séjourna parmi les lépreux et les servait humblement.
Pas très loin de chez lui, il y avait la vieille chapelle San Damiano, en ruine. Il n'y restait qu'un seul ornement: un grand crucifix peint sur bois. Le crucifix s'anima et Saint François entendit ces mots:
"François, ma maison tombe en ruines et s'écroule. Va et reconstruis-là."
François répondit: "Volontiers, Seigneur"
Crucifix de San Damien - Eglise Sainte Claire à Assise
Pour trouver de l'argent afin de rénover la petite chapelle, Saint François partit vendre des draps au marché de Foligno, à côté d'Assise. Peu de temps après, François se mit à vivre en ermite. François devint vite la risée publique. On le prenait pour un fou.
Le père de François eut vent de ce que l'on pensait sur son fils. Il devint fou furieux et alla chercher François, le ramena chez eux, l'enferma dans sa cave, le battit et le laissa au régime pain sec pendant plusieurs jours. Mais sa mère, Dame Pica le délivra. Le père déshérita son fils et voulut le chasser de la ville. Le père alla voir les consuls, mais ils s'en lavèrent les mains... ensuite, il alla voir l'évèque en traînant son fils avec lui... François se déshabilla entièrement et devant toute une foule s'écria " En toute liberté désormais, je pourrai dire: Notre Père, qui êtes aux cieux! Pierre Bernardone que voici n'est plus mon père, et je lui rends non seulement son argent que voici, mais encore tous mes vêtements. J'irai nu à la rencontre du Seigneur. "
Saint François renonce aux biens de ce monde - Giotto
Tout le monde pleura, l'évêque aussi. Guido (l'évêque) couvrit François de son manteau.
Après avoir restauré Saint-Damien, François voulut reconstruire d'autres églises: Sainte-Marie-des-Anges, que l'on appelait aussi la "Portioncule", Saint Pierre.
Le terrain appartenait à des bénédictins. Désormais il résida près de cette petite chapelle.
Le 24 février 1209, (il avait alors 26 ans) François fut frappé par la lecture de l'Evangile pour la fête de Saint Mathias:
Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les prescriptions suivantes:
"Ne prenez pas le chemin des païens et n'entrez pas dans une ville de Samaritains", allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël. Chemin faisant, proclamez que le Royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. Ne vous procurez ni or, ni argent, ni menue monnaie pour vos ceintures, ni besace pour la route, ni deux tuniques, ni sandales, ni bâton: car l'ouvrier mérite sa nourriture.
En quelque ville ou village que vous entriez, faites-vous indiquer quelqu'un d'honorable et demeurez-y jusqu'à ce que vous partiez. En entrant dans la maison , saluez-la: si cette maison en est digne, que votre paix vienne sur elle; si elle ne l'est pas, que votre paix vous soit retournée. Et si quelqu'un ne vous accueille pas et n'écoute pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds. En vérité je vous le dis: au Jour du jugement, il y aura moins de rigueur pour le pays de Sodome et de Gomorrhe que pour cette ville-là.
Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; montrez-vous donc prudents comme les serpents et candides comme les colombes.
Evangile selon Saint Mathieu, chapitre 10, versets 5 à 16.
Saint François commençait chacun de ses sermons par un souhait de paix : « Que le Seigneur vous donne la Paix ».
Il annonçait alors la parole de Dieu avec la doctrine et la force de l'Esprit Saint. Les conseils qu'il donnait, il les avait déjà mis en pratique pour lui même afin de ne parler que de la vérité. Les gens instruits écoutaient ses sermons en y trouvant une force et une vérité qui ne tenait pas d'un enseignement humain.
A partir de ce moment, nobles, roturiers, clercs et laïcs en grand nombre commencèrent à s'attacher aux traces de François et à vivre sous sa règle après avoir renoncé aux soucis et aux vanités du monde.
Bernard de Quintavalle donna en premier tous ses biens aux pauvres.
Ensuite ce fut Gilles (Egide), puis Pierre de Catane. Ils furent bientôt douze. François devenait fondateur d'ordre. François appelait ses compagnons "frères". Il ne pensait pas qu'il était un moine. Bientôt François envoya les frères prêcher deux par deux. On ne les recevait pas partout de la même façon. On les prenait souvent pour des fous....
François hésitait sur la conduite à tenir, fallait il consacrer tout son temps à la prière ou bien devait il passer tout son temps à la prédication? Il demande alors à frère Sylvestre et à sœur Claire de prier pour obtenir du ciel la direction qu'il doit suivre pour être agréable à Dieu. La réponse est unique: il doit prêcher de par le monde. Aussitôt François se lève et part. Arrivant près de Bevegna, il aperçut un bosquet où une multitude d'oiseaux de toutes espèces étaient rassemblée. Il court aussitôt vers eux et les salue comme si les oiseaux étaient doués de raison. Les oiseaux se mirent alors à le regarder en silence, tendant le cou pour mieux le voir. Il s'avance au milieu d'eux et leur demande doucement d'écouter la parole de Dieu. Il leur dit: « Mes frères les oiseaux, vous avez bien sujet de louer votre créateur qui vous qu'il a revêtu de plumes, vous a donné des ailes pour voler, vous a dévolu pour champ l'espace et sa limpidité, et qui prend soin de vous sans que vous ayez à vous inquiéter de rien ». Ce discours provoquait chez les oiseaux de joyeuses manifestations, ils allongeaient leur cous, déployaient leurs ailes, ouvraient leurs becs et regardaient attentivement François. Lui allait et venait parmi eux, l'âme délirante de ferveur. Enfin il traça sur eux le signe de la Croix et les oiseaux partirent tous ensemble munis de sa permission et de sa bénédiction.
Saint François faisant un sermon aux oiseaux - Giotto
Il fallait s'occuper des nouveaux frères, car il y avait de plus en plus de nouveaux. Il fallait instituer "une Règle", et pour cela François se décida d'aller à Rome voir le Saint-Père. (Innocent III)
Rêve du Pape Inocent III - Giotto
Saint François vint à Rome. Le pape eut un songe, illustré par Giotto.
Il vit l'église Saint Jean du Latran qui s'écroulait. Mais tout à coup apparaissait un pauvre petit homme vêtu en paysan. Et au lieu d'être écrasé sous elle, il la redressait et la consolidait. Le lendemain, le pape Innocent III bénissait François et ses compagnons. "Allez vers le Seigneur, mes frères, et selon qu'il daignera vous l'inspirer, prêchez à tous la pénitence. Puis, lorsque le Seigneur tout-puissant vous aura fait croître en nombre et en grâce, revenez vers moi dans l'allégresse; je vous accorderai de plus nombreuses faveurs et je vous confierai en toute sûreté de plus grandes tâches."
Saint François a créé plusieurs règles. La première règle a été approuvée en 1209 par Innocent III lors du voyage à Rome. Malheureusement le texte de cette règle a été perdu.
Ce qu'on appelle improprement le première règle est en fait la seconde, écrite en 1221 sous Honorius III, cette règle n'a pas été approuvée.
Ce qu'on appelle improprement la seconde règle (en fait la troisième écrite par Saint François) a été approuvée par Grégoire IX en 1223 et c'est cette règle qui est en vigueur.
Saint François a fondé trois ordres:
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le premier ordre: les frères mineurs (1209)
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le deuxième ordre: les clarisses ou Pauvre Dames (1212)
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le Tiers-Ordre (1221)
Sur lui même et sur ses frères, François exerçait une vigilance de tous les instants. Lui même pour vaincre une tentation de la chair n'hésite pas à se plonger en plein hiver dans une marre d'eau glacée, jusqu'à ce que la tentation s'évanouisse.
François manifestait un souverain mépris à toutes les vanités du monde, mais il détestait l'argent plus que tout. Il recommanda toujours à ses disciples de l'éviter comme le diable, sa formule était: ne pas accorder à l'argent plus de prix qu'au fumier. A un frère qui avait ramassé une offrande laissée par un fidèle, le saint ordonna d'aller prendre la pièce entre ses dents et de la déposer ainsi sur un crottin d'âne hors du couvent.
Cheminant un jour avec un compagnon sur la route de de Bari, ils aperçoivent une grosse bourse rebondie. Son compagnon lui conseille de ramasser la bourse pour faire don de son contenu aux pauvres. François refuse catégoriquement: c'est un piège du diable dit il , il n'est jamais permis de prendre l'argent d'autrui, et c'est un péché que de s'en servir pour faire des largesses. La dessus ils repartent mais son compagnon insiste tant et si bien que François consent à revenir en arrière pour montrer à cet insensé la volonté de Dieu. Il prend a témoin un jeune homme assis sur la margelle d'un puits proche de là, et ils reviennent à la bourse. François se tient d'abord à l'écart pour prier afin de mettre en lumière la ruse du démon, puis il ordonne au frère de ramasser la bourse. Mais maintenant le frère commence à avoir peur et finalement il obéit ouvre la bourse .. et un serpent de belle taille s'en échappe, la ruse de l'ennemi est clairement manifestée. Saint François conclut: « Pour les serviteurs de Dieu, frère, l'argent ce n'est ni plus ni moins qu'un diable et un serpent venimeux »
Saint François exhortait les malades à supporter patiemment les privations, et à ne pas crier au scandale si on ne leur procurait pas tout ce dont ils avaient besoin. Il fit insérer dans l'une de ses règles: « Je prie tous mes frères malades de ne pas se troubler à cause de leurs souffrances et de ne s'irriter ni contre Dieu ni contre les frères. Qu'ils n'exigent pas leurs remèdes avec trop d'impatience ou d'âpreté; qu'ils n'aient pas le désir excessif de sauver une chair qui doit bientôt mourir et qui est l'ennemie de l'âme. Qu'ils rendent grâce pour tout ce qu'il leur arrive, que leur volonté soit d'être en l'état où Dieu les veut. Tout ceux que Dieu a prédestiné à la vie éternelle, il les y prépare par l'aiguillon de la souffrance et de la maladie, comme il le dit lui même: Je corrige et je châtie ceux que j'aime. »
Saint François accompli de son vivant de nombreux miracles:
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il réalise plusieurs résurrections
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il évite des accidents par son intercession
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il guérit des hydropiques et des paralytiques
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il sauve des naufragés
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il obtient la libération de prisonniers
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il obtient la délivrance de femmes en couches
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il guérit des hernieux, des sourds, des muets, des lépreux, des fous et des possédés, des déformations et des fractures.
Trois ans avant sa mort, François décida de célébrer près de Greccio le souvenir de la nativité de Jésus avec le plus de solennité possible, afin d'augmenter la dévotion des habitants. Il demanda et obtint pour cela la permission du Souverain pontife. Il fit préparer une mangeoire, apporter du foin, amener un âne et un bœuf. On convoqua les frères, la foule accourut, la forêt retentit des chants, et cette nuit fut solennelle et splendide, à la clarté des torches et au son des cantiques. François près de la crèche, rempli de piété, ruisselait de larmes et débordait de joie. La messe fut célébrée sur la mangeoire comme autel et François qui était diacre, chanta l'évangile puis prêcha au peuple rassemblé la naissance du pauvre Roi qu'il nommait avec tendresse et amour l'Enfant de Bethléem. Le Seigneur Jean de Greccio chevalier vertueux et loyal affirma qu'il avait vu un enfant très beau qui reposait sur la crèche et qui parut s'éveiller lorsque le bienheureux père François le pris dans ses bras. L'exemple de François offert au monde réveilla les âmes qui s'endormaient dans leur foi et le foin de la crèche, conservé par le peuple servit de remède pour les animaux malades et de remède contre toute sortes de pestes.
Après de multiples travaux, deux ans avant sa mort, le 17 septembre 1224, Francesco méditait sur les souffrances du Christ. Que de fois on l'avait vu pleurer en y pensant! Ce jour là les bras en croix il disait: "Seigneur Jésus, je voudrais, avant de mourir, ressentir les stigmates de ta passion." Et Francesco se sentit "changé en Jésus". Il vit descendre du ciel un Séraphin (un Ange) avec six ailes rayonnantes. Le Séraphin portait sur lui l'image d'un homme crucifié. François ressentit à la fois un bonheur divin inimaginable et une horrible douleur. A la fin de la vision Francesco vit des trous dans ses mains et dans ses pieds. Le sang coulait.... Jésus avait marqué en Francesco " les stigmates " de sa passion.
Stigmatisation de Saint François - Giotto
C'est vers la même période que son corps fut tourmenté par diverses maladies plus violentes qu'auparavent. Depuis déja plus de 18 ans, il n'avait accordé à sa chair aucun repos. Mais il voulait avec une telle force le salut des âmes, il désirait si intensément gagner à Dieu son prochain que, hors d'état de marcher, c'est à dos d'âne qu'il parcourait souvent le pays. Il contracta alors une très grave maladie.
L'obeissance lui fit avoir recours à la médecine. Mais le mal faisait son oeuvre. Accablé sur son lit de souffrances, il composa à cette époque le cantique des créatures.
Une nuit il dicta à son confesseur: écris « Je bénis mes frères, tous ceux de maintenant et tous ceux qui rentreront dans l'ordre jusqu'à la fin du monde. Qu'ils s'aiment les uns les autres comme je les ai aimés et que je les aimerais encore. Qu'ils aiment et honorent Dame Pauvreté et obéissent fidèlement aux prélats et aux prêtres de notre Sainte Mère l'Eglise. »
On ramena Francesco à Assise au palais de l'évêque. Il apprit par son médecin qu'il ne lui restait que quelques semaines à vivre. Il ajouta à son cantique du soleil un couplet sur la mort corporelle. Il voulait aussi que frère Léon et frère Ange chantent le cantique près de lui. Claire suppliait François de revenir la voir mais il ne pouvait pas, il était trop faible. Il lui envoya une lettre d'adieu avec sa bénédiction. Il dicta ensuite le testament, où il rappelle qu'il est « un pauvre homme ignorant et simple d'esprit ».
Saint François mourant à Sainte Marie des Anges - F.L. Benouville
La mort de Saint François, extraite de la legenda major mérite notre attention:
1. François, crucifié désormais avec le Christ tant dans sa chair que dans son âme, brûlait comme lui d'un amour séraphique pour Dieu, et comme lui avait soif du salut des hommes. C'est pourquoi il faisait transporter son corps a demi-mort (les clous qui ressortaient des pieds lui interdisaient la marche) par les villes et les bourgs pour inviter tous les hommes à porter la croix du Christ. Et il disait à ses frères : « Mes frères, commençons a servir le Seigneur, car nous n'avons pas fait grand-chose jusqu'ici ! » Il aurait bien voulu aussi revenir à ses premiers exercices d'humilité, le service des lépreux, par exemple, comme au début de sa conversion, et traiter en esclave comme auparavant son pauvre corps délabré par tant de fatigues ; il se proposait, à la suite du Christ, de nouveaux exploits, et l'épuisement de son corps n'ôtait pas à son esprit vaillant et courageux l'espoir de vaincre l'ennemi lors d'un nouveau combat. C'est qu'il n'y a point de place pour la paresse et le laisser aller dans une âme que l'aiguillon de l'amour excite à faire toujours plus et mieux. La chair finit par s'adapter si bien à l'esprit et à lui obéir si docilement que, dans sa poursuite de la parfaite sainteté, loin de regimber, elle semblait au contraire le devancer et l'entraîner.
2. Mais Dieu voulait accroître les mérites du saint, et les mérites ne trouvent leur perfection achevée que dans la patience : François devint la proie de toutes sortes de maladies si pénibles qu'aucun de ses membres n'échappa a l'atteinte de violentes douleurs. Saturé de souffrances longues et continuelles, il finit par perdre toute sa chair, ne gardant que la peau sur les os. Mais quand il était relancé par la douleur, il ne donnait pas à ses souffrances le nom d'ennemies, mais celui de sœurs. Un jour que l'aiguillon se faisait sentir plus cruellement que de coutume, un frère lui dit, dans sa simplicité : « Frère, prie le Seigneur d'être plus doux pour toi, car il appesantit vraiment trop sa main sur Moi! » A ces mots, le saint poussa un gémissement et dit : « Si je ne connaissais la pureté de ton intention et ta simplicité, ta compagnie me deviendrait odieuse, car tu as eu l'audace de blâmer la conduite de Dieu à mon égard. » Et, bien qu'exténué par sa maladie qui traînait en longueur, il se jeta par terre pour cogner au sol son corps décharné, puis, baisant la terre : « Je te rends grâces, Seigneur Dieu, dit-il, pour toutes mes souffrances, et je te prie de m'en envoyer cent fois plus si tel est ton bon plaisir. Il me sera très agréable d'être par toi, sans ménagement, affligé par la douleur, car dans l'accomplissement de ta sainte volonté je ruisselle de joie ! » Les frères croyaient voir un nouveau Job dont la force d'âme augmentait au fur et à mesure que croissaient les souffrances du corps. - Longtemps à l'avance il connut l'heure de sa mort, et lorsqu'elle fut proche, il annonça aux frères sur la foi de sa révélation, qu'il quitterait bientôt le tabernacle de son corps.
3. Deux ans après avoir reçu les stigmates sacrés, c'est-à-dire 20 ans après sa conversion, littéralement équarri sous les coups redoublés des angoisses et des maladies comme une pierre destinée à entrer dans la construction de la Jérusalem céleste, battu par le marteau de multiples tribulations comme le fer à l'écrouissage, il demanda finalement d'être transporté à Sainte-Marie de la Portioncule, afin de rendre la vie du corps au lieu même où il avait reçu la vie de la grâce. Une fois arrivé là, voulant montrer par l'exemple qu'il n'avait rien de commun avec le monde en cette maladie qui devait être la dernière, poussé toujours par la ferveur, il se prosterna nu sur la terre nue ; afin qu'en cette dernière heure, celle où peut-être l'ennemi livrerait le suprême assaut, il puisse lutter nu contre un adversaire nu. Il était là, couché sur la terre, dépouillé de son cilice la main gauche sur la plaie du côté droit pour la soustraire aux regards, fixant des yeux le ciel comme il aimait à le faire et aspirant de tout son être à la gloire éternelle... Il dit aux frères : « J'ai accompli ma tâche que le Christ vous apprenne à accomplir la vôtre ! »
4. Les compagnons du saint, que poignait une intense émotion, étaient tout en pleurs ; celui d'entre eux que l'homme de Dieu nommait son gardien devina, par une inspiration divine, ses désirs : il courut prendre une tunique, une corde, des caleçons, et les tendit au petit pauvre avec ces mots: « Voici ce que je te prête comme à un pauvre ; accepte tout au nom de la sainte obéissance. » Le saint, tout heureux, et jubilant d'allégresse d'avoir été jusqu'au bout fidèle à sa dame la Pauvreté, leva les mains vers le ciel et glorifia le Christ pour tant de joie : s'en aller vers lui entièrement libre, débarrassé de tout. Car s'il avait agi ainsi, c'était par souci de pauvreté : il ne voulait rien posséder, pas même un habit, qui ne lui eût été prêté par autrui. Pour être parfaitement conforme au Christ crucifié, pendu en croix pauvre, souffrant et nu, il était resté nu devant l'évêque au début de sa conversion, et c'est nu également qu'il voulut sortir de et monde, au moment de la mort. Aux frères qui l'assistaient, il ordonna au nom de l'obéissance dont la charité leur faisait un devoir, de le déposer nu sur la terre après sa mort et de l'y laisser durant le temps nécessaire pour parcourir un mile à pas lents. Quel homme vraiment chrétien, lui qui voulut vivre comme vivait le Christ, mourir comme il est mort, rester, comme Lui, cadavre délaissé après la mort, et qui mérita les honneurs de l'impression en son corps de cette parfaite ressemblance !
5. L'heure approchait ; il fit venir tous les frères alors présents dans ce petit poste et, avec quelques paroles de consolation pour adoucir leur chagrin, les exhorta de tout son cœur de père à aimer Dieu ; il ajouta quelques mots sur la patience, la pauvreté, la fidélité à l'Église Romaine, leur recommandant le saint Evangile avant toute autre constitution. Enfin, sur tous les frères qui l'entouraient il étendit les mains, les deux bras entrecroisés (il a toujours aimé ce signe), et il bénit tous ses frères, les absents comme les présents, au nom du Crucifié et par sa puissance. Il ajouta : « Adieu, mes fils ! Restez toujours dans la crainte au Seigneur. La tentation viendra et la tribulation est proche mais bienheureux ceux qui iront jusqu'au bout de ce qu'ils auront commencé. Pour moi, je m'en vais vers Dieu à la grâce duquel je vous confie. »
Il se fit apporter le livre des Evangiles et demanda la lecture du texte de saint Jean qui commence ainsi : « Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde auprès du Père, après avoir aimé les siens qui étaient dans ce monde, il les aima jusqu’à la fin ... »
Il récita ensuite comme il put le psaume
Ma voix crie vers Yahveh,
De ma voix j'implore le Seigneur
Je répands ma plainte en sa présence,
J’expose devant lui ma détresse.
Et il poursuivit jusqu'au bout
Lorsqu'en moi mon esprit défaille,
Toi tu connais mon sentier,
Tu sais que, sur la route où je marche,
On a caché un piège pour moi.
Jette les yeux à ma droite et vois
Personne ne me reconnaît ;
Tout refuge me fait défaut,
Nul n'a souci de mon âme.
Je crie vers toi, Yahveh,
Je dis : Tu es mon refuge
C’est toi qui es mon partage
Sur la terre des vivants.
Prête l'oreille à ma supplication,
Car je suis au fond du malheur ;
Délivre-moi de ceux qui me poursuivent,
Car ils sont plus forts que moi.
Tire mon âme de sa prison,
Afin que je célèbre ton Nom
Les justes m'attendent :
Donne-moi ma récompense.
6. Enfin, tous les desseins de Dieu s’étant réalisés en lui, son âme très sainte se dégagea de sa chair pour être absorbée dans l’abime de la clarté de Dieu, et le bienheureux s'endormit dans le Seigneur. Un de ses frères et disciples vit son âme montant tout droit vers le ciel sous la forme d'une étoile splendide portée par une blanche nuée au-dessus d'une immense étendue d'eau, âme rayonnante des splendeurs de sa sublime sainteté et débordante des richesses de la grâce et de la sagesse du ciel, qui valurent au saint le séjour de lumière et de paix où il jouit maintenant avec le Christ d'un repos sans fin.
Sainte Claire pleurant Saint François - Giotto
Dans la terre de Labour, frère Augustin, homme saint et juste qui était alors ministre des frères, touchait à sa fin aussi et avait même déjà perdu la parole depuis assez longtemps ; à la stupeur de ceux qui l'entouraient, il se mit crier soudain : « Attends-moi, Père, attends-moi ! J'arrive, je viens avec toi ! » Abasourdis, les frères lui demandent à qui il ose ainsi parler ; et lui de répondre « Eh ! Vous ne voyez donc pas notre Père François qui part au ciel ? » Et à l'instant son âme sainte, quittant la chair, s'en fut à la suite du Père très saint.
L'évêque d'Assise se rendait alors en pèlerinage au sanctuaire de saint Michel au Mont Gargan ; le bienheureux François lui apparut durant la nuit qui suivi, son trépas et lui dit : « Je quitte le monde et je m'en vais au ciel. » Le lendemain au réveil, l'évêque raconta sa vision aux gens de sa suite, revint à Assise, s'informa et acquit la certitude que le bienheureux avait quitté le monde au moment où il était venu lui en annoncer la nouvelle.
Les alouettes, qui sont pourtant amies de la lumière et ont en horreur l'obscurité du crépuscule, arrivèrent par bandes entières au-dessus de la maison où trépassait le saint, lors que la nuit tombait déjà ; elles tournoyèrent longtemps et, grisollant à tue-tête, rendaient ainsi un éclatant et joyeux témoignage à la gloire du saint qui les avait si souvent conviées à louer Dieu.
Source du texte : Abbé Jean Pihan, Saint François d'Assise