PREMIERE REGLE DES FRERES MINEURS 

 ette règle est en fait la seconde règle écrite par Saint François. Le texte de la première règle a été perdu. Selon les experts, la majeure partie du texte de la première règle (1210) est contenue dans cette règle de 1221, avec des ajouts. Voici donc le texte de la règle de 1210, improprement nommée première règle.



 

Saint François méditant - Zurbaran


 

Composée par le bienheureux François, 

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

Ceci est la règle de vie que frère François demanda au seigneur pape Innocent III de lui concéder et approuver. Et Il la lui concéda et approuva, pour lui et pour ses frères présents et futurs.

Que le frère François et quiconque sera le chef de cet Ordre promettent obéissance et révérence au seigneur pape Innocent III et les autres frères soient tenus d'obéir à frère François et à ses successeurs.


I - QUE LES FRÈRES VIVENT DANS L'OBÉISSANCE, SANS BIENS PROPRES ET EN CHASTETÉ.


La règle et la vie de ces frères est la suivante : vivre dans l’obéissance, en chasteté et sans biens propres, et suivre la doctrine et les traces de Notre Seigneur Jésus Christ qui a dit: « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi; » et aussi: « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive; » et encore: « Si quelqu'un veut venir à moi, et ne hait pas son père et sa mère, sa femme et ses enfants, ses frères et ses sœurs et jusqu'à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque aura quitté son père ou sa mère, ses frères ou ses sœurs, sa femme ou ses enfants, ses maisons ou ses champs à cause de Moi, recevra le centuple et possédera la vie éternelle. »


II - DE LA RÉCEPTION ET DES VÉTEMENTS DES FRÈRES


Si quelqu'un voulant, par inspiration divine, embrasser cette vie, vient à nos frères, qu'ils le reçoivent avec bonté.

S'il persiste à embrasser notre vie, que les frères se gardent bien de s'entremettre dans ses affaires temporelles, mais qu'ils le présentent à leur ministre le plus rapidement possible. Que le ministre alors le reçoive avec bonté, l'encourage et lui fasse connaître exactement notre genre de vie.

Cela fait, que le postulant, s'il le veut et s'il le peut moralement et sans empêchement, vende tous ses biens et prenne soin de distribuer le tout aux pauvres.

Mais que les frères et les ministres des frères se gardent bien de s'entremettre en quoi que ce soit dans ses affaires, et qu'ils ne reçoivent aucun argent ni par eux-mêmes ni par personne interposée; si cependant ils étaient dans le besoin, que les frères puissent recevoir, par nécessité, comme les autres pauvres, les choses nécessaires à la vie matérielle, l'argent excepté.

Et quand il sera de retour, que le ministre lui donne les vêtements du noviciat pour un an, c'est-à-dire deux tuniques sans capuce, le cordon, les braies et le capron jusqu'au cordon.

L'année passée et le noviciat terminé, qu'il soit reçu à l'obéissance. Après quoi il n'aura plus le droit de passer dans un autre Ordre, ni de « se soustraire à l'obéissance » suivant le décret du seigneur pape. Car, selon l'Évangile, quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière, n'est pas propre au royaume de Dieu.

Mais si quelqu'un vient qui ne puisse donner ses biens sans empêchement, encore qu'il le désire intérieurement, qu'il les abandonne, et cela suffit. Que nul ne soit reçu contre l'usage et les prescriptions de la sainte Église.

Que les autres frères qui ont promis obéissance, aient une tunique avec capuce et, si c'est nécessaire, une autre sans capuce, le cordon et les braies.

Et que tous les frères soient vêtus d'habits pauvres et puissent les rapiécer au moyen de sacs et d'autres morceaux, avec la bénédiction de Dieu; car le Seigneur dit dans l'Évangile - « Ceux qui portent des habits somptueux et vivent dans les délices, et qui sont vêtus avec mollesse habitent les maisons des rois". » 

Et même si on les traite d'hypocrites qu'ils ne cessent pas cependant de faire le bien; qu'ils ne recherchent pas en ce monde les habits de prix, pour qu'ils puissent avoir le vêtement qu'on a dans le royaume des cieux.


III - DE L'OFFICE DIVIN ET DU JEUNE


Le Seigneur a dit : « Ce genre de démons ne peut être chassé que par le jeûne et la prière »; et aussi : « Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste comme les hypocrites. » Que, par conséquent, tous les frères soit clercs, soit lais, récitent l'office divin, les laudes et les oraisons, comme ils doivent les réciter. Que les clercs récitent l'office et le disent pour les vivants et pour les morts suivant l'usage des clercs; qu'ils disent tous les jours, en réparation des manquements et des négligences des frères, le Miserere mei, Deus et le Pater noster ; qu'ils disent pour les frères défunts le De profundis et le Pater noster. Qu'ils aient le droit d'avoir seulement les livres nécessaires à la récitation de l'office; et qu'il soit aussi permis aux laïques qui savent lire d'avoir le psautier; mais aux autres qui ne savent pas les lettres, qu'il ne soit pas permis d'avoir de livres. Que les laïques disent le Credo in Deum et vingt quatre Pater noster et Gloria Patri pour matines, et cinq pour laudes; pour prime le Credo in Deum et sept Pater noster et Gloria Patri ; pour tierce, sexte et none sept pour chacune de ces Heures; pour vêpres douze; pour complies le Credo in Deum et sept Pater noster et Gloria Patri ; pour les morts sept Pater noster et Requiem aeternam ; et en réparation des manquements et des négligences des frères trois Pater noster chaque jour.

 

 

Gloire de Saint François - Giotto - 1330

 

Et pareillement que tous les frères jeûnent depuis la fête de la Toussaint jusqu'à la Nativité du Seigneur et depuis l'Épiphanie, époque où Notre-Seigneur Jésus-Christ a commencé à jeûner, jusqu'à Pâques; mais en d’autres temps qu’ils ne soient pas tenus de jeûner, selon cette règle de vie, sauf le vendredi. Et qu'il leur soit permis, selon l'Évangile, de manger de tous les mets qu'on leur présenter


IV - DES RAPPORTS ENTRE LES MINISTRES ET LES AUTRES FRÈRES


Au nom du Seigneur, que tous les frères qui sont établis comme ministres et serviteurs des autres frères placent leurs frères dans les provinces et dans les couvents où ils sont, qu'ils les visitent souvent, qu'ils les instruisent spirituellement et les encouragent. Et que tous mes autres frères bénis leur obéissent fidèlement en tout ce qui regarde le salut de l'âme et qui n'est point contraire à notre règle de vie. Et qu'ils se comportent entre eux comme le dit le Seigneur : « Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux »; et : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse. » Et que les ministres et serviteurs se souviennent que le Seigneur a dit: « Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir », et que le soin des âmes de leurs frères leur a été confié: si quelqu'une se perd par leur faute et leur mauvais exemple, ils devront en rendre compte au jour du jugement devant Seigneur Jésus-Christ.


V - DE LA CORRECTION DES FRÈRES DANS LEURS FAUTES


Veillez donc sur vos âmes et sur celles de vos frères, car il est effroyable de tomber entre les mains du Dieu vivant. Si quelqu'un des ministres commandait à un frère quelque chose de contraire à notre règle de vie ou à sa conscience, qu'il ne soit pas tenu de lui obéir; car il n'y a pas d'obéissance au nom de laquelle on puisse commettre une faute ou un péché. Cependant que tous les frères qui sont soumis aux ministres et serviteurs observent raisonnablement et avec circonspection les actes des ministres et serviteurs. Et s'ils s'aperçoivent que l'un d'eux marche selon la chair et non pas selon l'esprit, en ce qui touche à la stricte observation de notre règle de vie, et s'il ne s'est pas corrigé après la troisième admonition, que rien n'empêche de le dénoncer, pendant le Chapitre de la Pentecôte, au ministre et serviteur de toute la fraternité. Mais si parmi les frères, où qu'ils soient, il se rencontre quelque frère qui veuille marcher selon la chair et non point selon l'esprit, que les frères avec lesquels il vit l'avertissent, l'instruisent et le corrigent humblement et avec circonspection. Que s'il refuse après la troisième admonition de s'amender, ils l'envoient ou le dénoncent le plus rapidement possible à son ministre et serviteur, et que ce ministre et serviteur fasse de lui ce qu'il jugera le meilleur selon Dieu.

Que tous les frères, aussi bien les ministres et serviteurs, prennent garde de ne pas se troubler ou s'irriter à cause du péché ou du mauvais exemple d'un autre frère, car le démon par la faute d'un seul cherche à en corrompre beaucoup; mais qu'ils viennent spirituellement et de leur mieux en aide à celui qui a péché, car ce ne sont pas les biens portants mais les malades qui ont besoin du médecin.

Pareillement que tous les frères n'aient, surtout entre eux, aucune autorité ou domination. Car comme le Seigneur le dit dans l'Évangile: « Les chefs des nations commandent en maître, et les grands exercent sur elle leur autorité » ; il ne doit pas en être ainsi parmi les frères mais que celui qui veut être le plus grand parmi eux soit leur ministre et serviteur, et que le plus grand parmi eux soit comme le plus petit.

Et qu'aucun frère ne dise ou ne fasse de mal à un autre; bien plus, que par charité spirituelle ils se rendent volontairement service et qu'ils s'obéissent les uns aux autres. Telle est la vraie et sainte obéissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ.  Et que tous les frères, chaque fois qu'ils se détourneront des commandements du Seigneur et qu'ils se soustrairont à l'obéissance, comme dit le prophète, sachent qu'ils sont maudits hors de l'obéissance, et cela aussi longtemps qu'ils demeureront sciemment dans ce péché. Et qu'ils sachent que, tant qu'ils persévèrent dans les commandements du Seigneur, qu'ils ont promis de garder en suivant le saint Évangile et leur règle de vie, ils sont dans la véritable obéissance: qu'ils soient alors bénis du Seigneur. 


VI - DU RECOURS DES FRÈRES AUX MINISTRES ET QU'AUCUN FRÈRE NE SOIT APPELÉ, PRIEUR


Que les frères, en quelque lieu qu'ils soient, s'ils ne peuvent suivre notre règle de vie, recourent le plus rapidement possible à leur ministre pour l'en prévenir. Que le ministre alors s'efforce de venir à leur aide, comme il voudrait qu'on agisse à son égard s'il se trouvait dans un cas semblable. Et que nul ne soit appelé prieur, mais que tous indistinctement soient appelés frères Mineurs. Et qu'ils se lavent les pieds l'un à l'autre. 



VII - DE LA MANIÈRE DE SERVIR ET DE TRAVAILLER


Que tous les frères, en quelque lieu qu'ils se trouvent chez autrui pour servir et pour travailler, ne soient ni camériers ni chanceliers, et qu'ils ne commandent pas dans les maisons de ceux qu'ils servent; et qu'ils n'acceptent aucune charge qui soit une cause de scandale ou qui leur fasse perdre leur âme; mais qu'ils soient les plus petits et soumis à tous ceux qui sont dans la même maison.

Et que les frères qui savent travailler travaillent et exercent ce même métier qu'ils ont appris, s'il n'est pas contraire au salut de leur âme et s'ils peuvent le faire avec décence. Car, dit le prophète : Tu te nourriras alors du travail de tes mains, tu es heureux et tu seras comblé de biens; et l'apôtre : Que celui qui ne veut pas travailler ne mange pas. Et que chacun demeure dans le métier et dans l'emploi où il était quand il a été appelé. Et que les frères puissent pour prix de leur travail recevoir tout ce qui leur est nécessaire, l'argent excepté. Et quand ce sera nécessaire, qu'ils aillent demander l'aumône comme les autres frère. Et qu'il leur soit permis d'avoir les outils et instruments nécessaires à leurs métiers. 



 

Allégorie de la pauvreté franciscaine - Giotto

 

 

 

 

Que tous les frères s'appliquent à consacrer tous leurs efforts à de bonnes oeuvres, car il est écrit : Fais toujours quelque bonne oeuvre pour que le démon te trouve occupé; et aussi : L'oisiveté est ennemie de l’âme. Aussi les serviteurs de Dieu doivent toujours s'adonner à la prière ou à quelque bonne oeuvre.

Que les frères se gardent, où qu'ils se trouvent, dans les ermitages ou en d'autres lieux, de s'en approprier aucun ou de le défendre contre quelqu'un.. Et que quiconque viendra à eux, ami ou adversaire, voleur ou brigand, soit reçu avec bonté. Et partout où sont les frères et en quelque lieu qu'ils se trouvent, ils doivent avoir les uns pour les autres, sans murmurer, profonde révérence et estime spirituelle.  Que les frères prennent garde de ne pas montrer visage triste et sombre comme les hypocrites, mais qu'ils se montrent joyeux dans le Seigneur, gais et aimables comme il convient.


VIII - QUE LES FRÈRES NE REÇOIVENT POINT D'ARGENT


Le Seigneur donne ce précepte dans l'Évangile : « Gardez-vous avec soin de toute méchanceté et de toute avarice; et défiez-vous des sollicitudes de ce monde et des soucis de cette vie. » Aussi qu'aucun des frères, où qu'il soit et où qu'il passe ne prenne en aucune façon, ne reçoive ou ne fasse recevoir argent ou deniers, ni pour se procurer des vêtements ou des livres, ni comme salaire de quelque travail, absolument sous aucun prétexte, sauf dans le cas de nécessité manifeste pour les frères malades; car nous ne devons pas trouver et accorder à l'argent et aux deniers plus d'utilité qu'aux cailloux. Et le démon veut aveugler ceux qui les désirent ou les estiment plus que des pierres.

Prenons donc garde, nous qui avons tout quitté, de ne pas perdre pour si peu le royaume des cieux. Et si en quelque lieu nous trouvons des deniers, ne nous en soucions pas plus que de la poussière que nous foulons aux pieds, car c'est vanité des vanités, et tout n'est que vanité. Et s'il arrivait par hasard, Dieu fasse que non ! qu'un frère ramasse ou possède de l'argent ou des deniers, sauf dans le seul cas précité de nécessité pour les malades, que tous les frères le tiennent pour un faux frère, un voleur, un brigand, un porteur de la bourse, jusqu'à ce qu'il ait fait sincèrement pénitence. Et qu'en aucune façon les frères ne reçoivent ou ne fassent recevoir, ne demandent ou ne fassent demander comme aumône de l'argent ou des deniers pour quelque maison ou quelque lieu que ce soit; et qu'ils n'accompagnent jamais ceux qui demandent de l'argent ou des deniers pour ces lieux. Quant aux autres emplois, qui ne sont pas contraires à notre règle de vie, les frères peuvent les remplir avec la bénédiction de Dieu. Toutefois, en cas de nécessité manifeste pour les lépreux, que les frères soient autorisés à demander l'aumône pour eux. Mais qu'ils soient bien en garde contre l'argent. Pareillement que tous les frères se gardent de courir les routes pour quelque gain honteux.


IX - QU'IL FAUT DEMANDER L'AUMÔNE


Que tous les frères s'efforcent d'imiter la pauvreté et l'humilité de Notre-Seigneur Jésus-Christ et se souviennent que de toutes les choses du monde nous ne devons rien posséder que ce dont l'apôtre dit : « Si nous avons des aliments et de quoi nous couvrir, nous devons être satisfaits. » Et ils doivent se réjouir de se trouver parmi des gens de peu et méprisés, des pauvres et des infirmes, des malades, des lépreux et des mendiants de grands chemins. Et quand ce sera nécessaire, qu'ils aillent demander l'aumône.

Qu'ils n'en aient point honte, mais qu'ils se souviennent plutôt que Notre-Seigneur Jésus-Christ, fils du Dieu vivant et tout-puissant rendit sa face semblable à un Caillou, et n'en eut point honte; il fut pauvre et pèlerin, et il vécut d'aumônes, lui, la bienheureuse Vierge et ses disciples. Et si les hommes leur infligent des humiliations et leur refusent l'aumône, qu'ils en rendent grâce à Dieu; car pour ces humiliations ils recevront de grands honneurs devant le tribunal de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et qu'ils sachent que ces humiliations sont imputables non à ceux qui les subissent, mais à ceux qui les causent. L'aumône est un héritage et un juste droit qui est dû aux pauvres, et que nous a acquis Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et les frères qui peinent pour l'obtenir, recevront une grande récompense et procurent en même temps un enrichissement et des bénéfices à ceux qui la font; car tout ce que les hommes laissent au monde périra, mais la charité et les aumônes qu'ils ont faites seront récompensées par le Seigneur.

Et que les frères se fassent connaître en toute tranquillité leurs besoins les uns aux autres, pour qu'ils se cherchent et se fournissent ce qui leur est nécessaire. Et que chacun aime et nourrisse son frère, comme une mère aime et nourrit son enfant, et avec ce que Dieu lui aura accordé. Et que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange. Et quand la nécessité l'exigera, qu'il soit permis à tous les frères, où qu'ils soient, de prendre tous les aliments que les autres hommes peuvent manger, comme le Seigneur le dit de David, qui mangea les pains de proposition, ce qui n'était permis qu'aux prêtres seuls. Et qu'ils se souviennent de ce que dit le Seigneur : « Prenez garde à vous-mêmes de peur que vos cœurs ne s'appesantissent par l'excès du manger et du boire et par les soucis de cette vie, et que ce jour ne fonde sur vous à l'improviste; car il tombera comme un filet sur tous ceux qui habitent la face de la terre entière. » Pareillement encore, que tous les frères, en temps de nécessité manifeste, s'arrangent pour ce dont ils ont besoin comme Dieu le leur inspirera, car la nécessité n'a pas de loi.


X - DES FRÈRES MALADES


Si l'un des frères tombe malade, où qu'il soit, que les autres frères ne le quittent pas sans avoir mis près de lui un, ou même, si c'est nécessaire, plusieurs frères pour les servir comme ils voudraient être servis eux-mêmes; mais en cas de nécessité absolue ils peuvent le confier à une personne qui se chargera de le soigner. [Et je prie le frère malade de rendre grâce de tout, au Créateur; et qu'il désire être, bien portant ou malade, tel que le Seigneur veut qu'il soit, car tous ceux que Dieu a prédestinés à la vie éternelle, il les instruit par l'aiguillon des épreuves et des maladies et par l'esprit de componction, comme le Seigneur le dit : « Ceux que J'aime, je les reprends et je les châtie. » Mais s'il se trouble ou se met en colère soit contre Dieu soit contre ses frères, ou s'il demande parfois des remèdes avec instance, dans un trop vif désir de guérir une chair qui va bientôt mourir et qui est ennemie de l'âme,] cela lui vient de l'esprit du mal, il est un homme charnel, et il ne semble pas être un véritable frère, car il aime plus son corps que son âme.

 

 

Saint François embrassant le Christ en croix - Bartholomé

 

XI - QUE LES FRÈRES NE DIFFAMENT NI NE MÉDISENT MAIS QU'ILS S'AIMENT LES UNS LES AUTRES


Et que tous les frères prennent garde de calomnier qui que ce soit, et qu'ils évitent les disputes de mots, au contraire qu'ils s'efforcent de garder le silence autant que Dieu leur en accordera la grâce. Qu'ils n'aient de contestation ni entre eux ni avec d'autres, mais qu'ils aient soin de répondre humblement en disant : « Nous sommes des serviteurs inutiles. » Qu'ils ne se mettent pas en colère, car quiconque se met en colère contre son frère mérite d'être condamné en jugement; et celui qui dira à son frère: raca, mérite d'être condamné par le conseil; et celui qui lui dira : fou mérite d'être condamné à la géhenne du feu. Et qu'ils s'aiment les uns les autres, comme dit le Seigneur : « Ceci est mon commandement que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. » Et qu'ils montrent par leurs ouvres l'amour qu'ils doivent avoir entre eux, comme dit l'apôtre: N'aimons pas seulement en paroles et des lèvres, mais en action et en vérité. Qu'ils ne diffament personne; qu'ils ne murmurent pas; qu'ils ne médisent point d'autrui, car il est écrit: « Les diffamateurs et les détracteurs sont haïs de Dieu. » Qu'ils soient condescendants et qu'ils témoignent de la plus grande douceur à l'égard de tous les hommes. Qu'ils ne jugent pas; qu'ils ne condamnent pas; et, comme dit le Seigneur, qu'ils ne considèrent pas les plus petits péchés d'autrui, mais que bien plutôt ils réfléchissent aux leurs dans l'amertume de leur âme. Et qu'ils s'efforcent de passer par la porte étroite, car, dit le Seigneur « Elle est étroite la porte et resserrée la voie qui mène à la vie; et il en est peu qui la trouvent. » 


XII - QU'IL FAUT ÉVITER LES REGARDS COUPABLES ET LA FRÉQUENTATION DES FEMMES


Que tous les frères, où qu'ils soient et qu'ils aillent, se gardent des regards coupables et de la fréquentation des femmes et qu'aucun ne s'entretienne [ou n'aille par les routes] seul avec elles, [ou ne mange à table dans la même écuelle] . Que les prêtres leur parlent avec dignité en les confessant ou en leur donnant quelques avis spirituels. Que jamais aucune femme ne soit reçue à l'obéissance par aucun frère, mais, après avoir reçu des avis spirituels, qu'elle aille faire pénitence où elle voudra. Et veillons tous beaucoup sur nous, et retenons tous nos sens dans la pureté, car, dit le Seigneur : « Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà commis l'adultère avec elle dans son cœur. » 


XIII - DU CHATIMENT DES FORNICATEURS


Si quelque frère, à l'instigation du démon, commet le Péché de fornication, qu'on le dépouille de l'habit de l'Ordre, qu'il a perdu par son abjection le droit de porter; qu'il l'abandonne tout à fait et qu'on le chasse complètement de notre Ordre. Et qu'il fasse ensuite pénitence de ses péchés.


XIV - COMMENT LES FRÈRES DOIVENT ALLER PAR LE MONDE


Quand les frères vont par le monde, qu'ils ne portent rien en route, ni bourse, ni besace, ni pain, ni argent, ni bâton. En quelque maison qu'ils entrent, qu'ils disent d'abord : Paix à cette maison. Qu'ils demeurent dans la même maison, mangeant et buvant ce qu'il aura là. Qu'ils ne résistent pas au méchant mais, si quelqu'un les frappe sur une joue, qu'ils lui tendent encore l'autre; et si quelqu'un leur prend leur manteau, qu'ils ne l'empêchent pas de prendre aussi leur tunique. Qu'ils donnent à quiconque leur demande; et si on leur enlève ce qui leur appartient, qu'ils ne réclament point.


XV - QUE LES FRÈRES N'AIENT POINT DE BÊTES ET QU'ILS N'AILLENT PAS A CHEVAL


J'enjoins à tous mes frères, aussi bien clercs que lais, qui vont par le monde ou qui restent dans leurs couvents, de n'avoir aucune bête ni chez eux, ni chez les autres, ni de toute autre façon. Et qu'il ne leur soit point permis d'aller à cheval, à moins qu'ils n'y soient contraints par la maladie ou par quelque nécessité pressante. 


XVI - DE CEUX QUI VONT CHEZ LES SARRASINS ET AUTRES INFIDÈLES

 

 

Saint François et le sultan: l'épreuve du feu

 

Le Seigneur a dit : « Voici que je vous envoie comme des brebis ait milieu des loups. Soyez donc prudents comme des serpents et simples comme des colombes. » Aussi, que tous ceux des frères qui, par inspiration divine, voudront aller chez les Sarrasins et autres infidèles, y aillent avec la permission de leur ministre et serviteur. Et que le ministre leur accorde cette permission et ne la refuse pas, s'il voit qu'ils sont aptes à partir; car il sera tenu d'en rendre raison au Seigneur, si en cela ou en autres choses il agit sans discernement.

Les frères qui partent ont au point de vue spirituel deux façons de se conduire parmi les infidèles. La première est de ne soulever ni débats ni discussions, mais d'être soumis à toute créature humaine à cause de Dieu et de se proclamer chrétiens. La seconde est, lorsqu'ils croiront qu'il plaît à Dieu, d'annoncer la parole de Dieu, pour que les infidèles croient au Dieu tout-puissant, Père, Fils et Saint Esprit, Créateur de toutes choses, au Fils Rédempteur et Sauveur, et pour qu'ils soient baptisés et deviennent chrétiens, car nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint, ne peut entrer dans le royaume de Dieu.

Cela et tout ce qui plaira à Dieu, ils peuvent le prêcher aux infidèles et aux autres, car, dit le Seigneur dans l'Évangile : « Quiconque me, confessera devant les hommes, Je le confesserai moi aussi devant mon Père qui est dans les cieux; et : Quiconque rougira de moi et de mes paroles, le Fils de l'homme rougira aussi de lui quand il viendra dans sa gloire et dans celle du Père et des saints anges. »

Que tous les frères se souviennent partout qu'ils se sont donnés et qu'ils ont abandonné leur corps à Notre-Seigneur Jésus-Christ, et que pour son amour ils doivent s'exposer à tous les ennemis visibles et invisibles, car, dit le Seigneur : « Qui aura perdu sa vie pour moi, la sauvera, pour la vie éternelle. Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royaume des cieux leur appartient. S'ils m'ont Persécuté, ils vous persécuteront aussi. Mais s'ils vous persécutent dans une ville, fuyez dans une autre. Bienheureux êtes-vous lorsque les hommes vous haïront et vous maudiront, vous repousseront et vous outrageront, et rejetteront votre nom comme infâme, et lorsqu'ils diront en mentant toute sorte de mal contre vous à cause de moi; réjouissez-vous en ce jour et soyez dans l'allégresse parce que votre récompense sera grande dans les cieux. Je vous dis donc à vous qui êtes mes amis, de ne pas vous effrayer de tout cela, de ne pas craindre ceux qui tuent le corps et qui après cela ne peuvent rien faire de plus. Gardez-vous de vous troubler. Car par votre patience vous sauverez vos âmes. Et celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. » 


XVII - DES PRÉDICATEURS


Que nul des frères ne prêche contrairement à l'usage et aux préceptes de la sainte Église romaine, ni sans avoir obtenu la permission de son ministre. Et que le ministre veille à ne pas l'accorder à quelqu'un sans discernement. Mais que tous les frères prêchent par leurs exemples. Qu'aucun ministre ou prédicateur ne s'approprie le gouvernement des frères ou l'office de la prédication, mais à quelque heure qu'il en reçoive l'injonction, qu'il abandonne aussitôt sa charge sans protestations. Aussi je supplie, au nom de l'amour qu'est Dieu, tous mes frères prédicateurs, orateurs et travailleurs, aussi bien clercs que lais, qu'ils s'efforcent de s'humilier en tout, de ne pas se glorifier, de ne pas se réjouir en eux-mêmes, de ne pas s'exalter intérieurement de leurs belles paroles et de leurs belles oeuvres ni même d'aucun bien que Dieu dit ou fait et accomplit parfois en eux et par eux, selon ce que dit le Seigneur : « Cependant ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis. »

Et persuadons-nous bien qu'il ne nous appartient en propre que nos vices et nos péchés. Nous devons plutôt nous réjouir quand nous sommes en butte à des épreuves de toute sorte, et quand nous souffrons en ce monde, pour mériter la vie éternelle, des angoisses et des tribulations, quelles qu'elles soient, dans notre âme ou notre corps. Aussi, tenons-nous en garde, mes frères, contre tout orgueil et toute vaine gloire. Préservons-nous de la sagesse de ce monde et de la prudence de la chair; car l'esprit charnel veut et recherche beaucoup les mots et s'inquiète peu des actes; il ne s'occupe pas d'une religion et d'une sainteté intérieures de l'esprit, mais il veut une religion et une sainteté qui éclatent extérieurement aux yeux des hommes. C'est de ceux-là que le Seigneur a dit : « En vérité je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. » Mais l'esprit du Seigneur veut que la chair soit mortifiée et méprisée, tenue pour vile et abjecte et déshonorante, il recherche l'humilité et la patience, la pure simplicité et la véritable paix de l'esprit; et toujours et par-dessus tout il désire la crainte de Dieu, la divine sagesse et le divin amour du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Rapportons tous les biens au très haut et souverain Seigneur Dieu, et reconnaissons que tous les biens sont à lui, rendons-lui grâce de tous, car c'est de lui que tous procèdent. Et que lui, très haut, souverain et seul vrai Dieu possède, qu'on lui rende, qu'il reçoive tous honneurs, et toute révérence, toutes louanges et bénédictions, toutes actions de grâces et toute gloire, lui à qui tout bien appartient en propre, lui qui seul est bon. Et quand nous voyons ou entendons dire ou faire le mal, ou blasphémer Dieu, nous, bénissons par nos paroles et par nos actes, et louons le Seigneur qui est béni dans les siècles. Amen.


XVIII - COMMENT LES MINISTRES DOIVENT SE RÉUNIR


Que tous les ministres puissent se réunir avec leurs frères, où il leur semblera bon, en la fête de saint Michel, archange, pour s'entretenir des choses de Dieu. Et que tous les ministres qui sont au-delà de la mer et au-delà des monts, viennent au chapitre une fois tous les trois ans, et les autres ministres une fois par an, en la fête de la Pentecôte, dans l'église de Sainte-Marie de la Portioncule, s'il n'en a pas été autrement ordonné par le ministre et serviteur de toute la fraternité.

 

 

Saint François consigne la règle de l'ordre franciscain - A. Colantonio

 

XIX - QUE LES FRÈRES VIVENT EN CATHOLIQUES


Que tous les frères soient catholiques, vivent et parlent en catholiques. Si l'un d'eux pèche contre la foi et la vie catholique en paroles ou en actions, et s'il ne s'amende pas, qu'on le chasse absolument de notre fraternité. Tenons pour nos maîtres tous les clercs et tous les religieux, en ce qui concerne le salut de notre âme et n'est pas contraire à notre règle, et révérons dans le Seigneur leur ordre, leur office et leur ministère.


XX - DE LA CONFESSION DES FRÈRES ET DE LA RÉCEPTION DU CORPS ET DU SANG DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST


Que mes frères bénis, aussi bien clercs que lais, confessent leurs péchés aux prêtres de notre Ordre. Et s'ils ne le peuvent, qu'ils les confessent à d'autres prêtres prudents et catholiques, fermement persuadés et considérant que de quelque prêtre catholique qu'ils reçoivent la pénitence et l'absolution, ils sont sans aucun doute absous de leurs péchés, pourvu qu'ils aient soin d'accomplir humblement et fidèlement la pénitence à eux imposée. S'ils ne peuvent trouver de prêtre, qu'ils se confessent à leur frère, comme le dit l'apôtre Jacques : Confessez vos péchés l'un à l'autre. Qu'ils ne négligent cependant pas dans ce cas de recourir ensuite aux prêtres, à qui seuls a été accordé le pouvoir de lier et de délier. Et qu'ainsi contrits et confessés ils reçoivent le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec grande humilité et vénération, se souvenant de la parole du Seigneur : Celui qui mange ma chair et boit mon sang possède la vie éternelle; et: Faites ceci en mémoire de moi.


XXI - DES LOUANGES ET EXHORTATIONS QUE PEUVENT PRONONCER LES FRÈRES


Et tous mes frères peuvent, quand il leur plaira, prononcer cette exhortation et cette louange, ou quelque autre analogue, devant n'importe qui, avec la bénédiction de Dieu : « Craignez et honorez, louez et bénissez, remerciez et adorez le Seigneur Dieu tout-puissant, dans la Trinité et l'Unité, Père, Fils et Saint-Esprit, Créateur de toute choses. Faites pénitence, faites de dignes fruits de pénitence car sachez que vous mourrez bientôt. Donnez et il vous sera donné. Pardonnez et il vous sera pardonné. Et si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs péchés, le Seigneur ne vous pardonnera pas les vôtres. Confessez tous vos péchés. Bien heureux ceux qui meurent dans la pénitence, car ils iront dans le royaume des cieux. Malheur à ceux qui ne meurent pas dans la pénitence, car ils sont les fils du démon dont ils font les oeuvres, et ils iront au feu éternel. Gardez-vous et abstenez-vous de tout mal, et persévérez jusqu'à la fin dans le bien. » 


XXII - ADMONITION AUX FRÈRES


Considérons tous, mes frères, ce que dit le Seigneur : « Aimez vos ennemis et faites du bien à ceux qui vous haïssent. » Car Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont nous devons suivre les traces, a appelé son ami celui qui le trahissait, et s'est offert spontanément à ses bourreaux. Nos amis, ce sont donc tous ceux qui nous infligent injustement des tribulations et des peines, des humiliations et des injures, des douleurs et des tourments, le martyre et la mort; nous devons les aimer beaucoup, car ce qu'ils nous infligent nous procure la vie éternelle.  Haïssons notre corps avec ses vices et ses péchés, parce qu'en vivant sensuellement il veut nous arracher l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ et la vie éternelle, et se perdre en enfer, lui-même et tout ce qui est à lui; et encore parce que nos fautes nous rendent infects, misérables, adversaires du bien, prompts au contraire et inclinés au mal, car, comme le dit le Seigneur dans l'Évangile : « Du cœur de l'homme procèdent et sortent les mauvaises pensées, les adultères, les fornications, les homicides, les vols, l'avarice, la fraude, l'impudicité, les regards coupables, les faux témoignages, les blasphèmes, l’orgueil, la folie. Tous ces maux procèdent de l'intérieur du cœur de l'homme et ce sont eux qui souillent l'homme. »

Mais maintenant que nous avons renoncé au monde, nous n'avons rien d'autre à faire que de mettre tous nos soins à suivre la volonté du Seigneur et à lui plaire. Prenons bien garde à ne pas être le sol du chemin, ou la terre pierreuse ou couverte d'épines, selon la parole du Seigneur dans l'Évangile : « La semence, c'est la parole de Dieu. Ce qui est tombé sur le chemin et a été foulé aux pieds, figure ceux qui entendent la parole sans la comprendre ; et aussitôt survient le démon, il s'empare de ce qui avait été semé dans leurs cœurs et arrache la parole de leurs cœurs, de peur qu'ils ne croient et ne soient sauvés. Ce qui est tombé parmi les pierres figure ceux qui, dès qu'ils ont entendu la parole, la reçoivent immédiatement avec joie ; mais à l'heure de la tribulation et de la persécution, ils se scandalisent sur-le-champ de cette parole, ceux-là n'ont pas en eux de racines, mais sont inconstants, car ils croient un moment et au temps de la tentation ils succombent. Ce qui est tombé parmi les épines figure ceux qui entendent la parole de Dieu, mais les soucis et les embarras de ce monde, les séductions des richesses et les autres convoitises pénètrent en eux et y étouffent la parole qui devient stérile. Mais au contraire ce qui a été semé dans une bonne terre figure ceux qui ayant entendu la parole d'un cœur bon et excellent, la comprennent, la conservent et portent des fruits par la patience. »

 

 

Saint François reçoit les stigmates - Giotto

 

C'est pourquoi, mes frères, laissons, comme dit le Seigneur, les morts ensevelir les morts. Et gardons-nous bien de la méchanceté et de l'ingéniosité de Satan, qui veut que l'homme n'élève point son esprit et son cœur vers le Seigneur Dieu ; par des manœuvres, sous prétexte de quelque récompense ou de quelque avantage, il tâche de s'emparer du cœur de l'homme, d'étouffer dans sa mémoire la parole et les préceptes du Seigneur, et il veut aveugler son cœur par les affaires et les soucis de la terre, pour y faire sa demeure, comme dit le Seigneur: « Quand l'esprit impur est sorti d'un homme, il va et vient par les lieux arides et desséchés, cherchant du repos ; et n'en trouvent pas il dit : je retournerai dans ma maison dont je suis sorti. Et quand il y revient, il la trouve vide, balayée et ornée. Alors il va chercher sept autres esprits plus méchants que lui, ils y entrent et y font leur demeure, et le dernier état de cet homme est pire que le premier. » Aussi, mes frères, soyons tous bien sur nos gardes, de peur que, sous prétexte de quelque récompense, de quelque oeuvre ou de quelque avantage, nous ne perdions et détournions de Dieu notre esprit et notre cœur.

Mais par le saint amour qu'est Dieu, je supplie tous les frères, aussi bien les ministres que les autres, d'écarter tout obstacle, de rejeter tout souci, toute préoccupation, le mieux qu'ils peuvent, afin de servir, d'aimer, d'adorer et d'honorer le Seigneur Dieu, d'un cœur pur et d'un esprit droit ce qu'il demande par-dessus tout. Faisons-lui toujours en nous un tabernacle et une demeure, à lui le Seigneur Dieu tout-puissant, Père, Fils et Saint-Esprit, qui dit : « Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous soyez trouvés dignes d'échapper à tous ces maux qui arriveront, et de paraître debout devant le Fils de l'homme. Et lorsque vous voudrez prier, dites : Notre Père qui êtes aux cieux. Adorons d'un cœur pur, car il faut toujours prier et ne jamais se lasser, car ce sont de tels adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité. Recourons à lui comme au pasteur et à l'évêque de nos âmes, à lui qui a dit : je suis le bon Pasteur, je pais mes brebis et je donne ma vie pour mes brebis. Vous êtes tous frères, n'appelez personne sur la terre du nom de père, car vous n'avez qu'un seul Père, qui est dans les cieux. Ne vous faites point appeler maîtres, car vous n'avez qu'un seul Maître, qui est dans les cieux, le Christ. Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez tout ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé. Partout où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux. Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie. je suis la voie, la vérité et la vie. »

Suivons donc les paroles, la vie, la doctrine et le saint Évangile de Celui qui a daigné prier son Père pour nous et nous manifester son nom en disant : « Mon Père, j'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés, car je leur ai donné les paroles que vous m'avez données; ils les ont reçues, et ils ont vraiment connu que je suis sorti de vous, et ils ont cru que vous m'avez envoyé. Je prie pour eux, je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que vous m'avez donnés, parce qu'ils sont à vous et que tout ce qui est à moi est à vous. 0 Père saint, gardez en votre nom ceux que vous m'avez donnés, afin qu'ils ne fassent qu'un, à notre exemple. je dis cela dans le monde, pour qu'ils aient en eux la plénitude de la joie. Je leur ai apporté votre parole et le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme je n'en suis pas moi-même. Je ne vous demande pas de les retirer du monde, mais de les préserver du mal. Sanctifiez-les dans la vérité. Votre parole est vérité. Comme vous m'avez envoyé dans le monde, je les y ai aussi envoyés. Je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu'ils soient eux aussi sanctifiés dans la vérité. Ce n'est pas seulement pour eux que je prie, mais aussi pour ceux qui sur leurs paroles croiront en moi, pour que tous ils soient un, et que le monde croie que vous m'avez envoyé et que vous les avez aimés comme vous m'avez aimé. Et je leur ferai connaître votre nom, afin que l'amour dont vous m'avez aimé soit en eux et que moi aussi je sois en eux. Mon Père, ceux que vous m'avez donnés, je veux que là où je suis ils y soient avec moi, pour qu'ils voient votre gloire dans votre royaume. » 


XXIII - PRIÈRE, LOUANGE ET ACTION DE GRÂCES


Tout-puissant, très haut, très saint et souverain Dieu, Père saint et juste, Seigneur Roi du ciel et de la terre, nous vous rendons grâces pour vous-même, car par votre sainte volonté et par votre Fils unique vous avez créé dans l'Esprit-Saint tous les êtres spirituels et corporels, et vous nous avez placés dans le paradis après nous avoir faits à votre image et à votre ressemblance, et nous, nous sommes tombés par notre faute. Et nous vous rendons grâces encore parce que, de même que vous nous avez créés par votre Fils, de même aussi par le vrai et saint amour que vous avez eu pour nous, vous l'avez fait naître, lui vrai Dieu et vrai homme, de la glorieuse et bienheureuse sainte Marie toujours vierge, et par sa croix, son sang et sa mort, vous avez voulu nous racheter de la servitude. Nous vous rendons grâces aussi parce que votre Fils lui-même reviendra dans la gloire de sa majesté pour envoyer au feu éternel les maudits qui n'ont pas fait pénitence et qui ne vous ont pas connu, et pour dire à tous ceux qui vous ont connu, adoré et servi dans la pénitence : « Venez, les bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé depuis l'origine du monde. »

Et parce que nous tous misérables et pécheurs nous ne sommes pas dignes de prononcer votre nom, nous supplions Notre-Seigneur Jésus-Christ, votre Fils bien-aimé en qui vous avez mis toutes vos complaisances de vous rendre grâces, avec l'Esprit-Saint consolateur, comme il vous plaît et comme il leur plaît, pour tous vos bienfaits, lui qui vous suffit à tout et par qui vous avez tant fait pour nous. Alleluia. Et sa glorieuse mère, la bienheureuse Marie toujours Vierge, les bienheureux Michel, Gabriel et Raphaël, et tous les chœurs des esprits bienheureux, des séraphins, des chérubins et des trônes, des dominations, des principautés et des puissances, des vertus, des anges et des archanges, les bienheureux Jean-Baptiste, Jean évangéliste, Pierre et Paul, les bienheureux patriarches, prophètes, saints Innocents, apôtres, évangélistes, disciples, martyrs, confesseurs et vierges, les bienheureux Élie et Énoch, tous les saints qui ont été, qui seront et qui sont » nous les supplions humblement pour l'amour de vous, de vous rendre grâces comme il vous plaît pour tous ces bienfaits, à vous Dieu souverain et véritable, éternel et vivant, avec votre Fils bien-aimé, Notre-Seigneur Jésus-Christ et l'Esprit-Saint consolateur dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. Alleluia.

 

 

Vérification des stigmates de Saint François 

 

Et tous ceux qui dans la sainte Église catholique et apostolique veulent servir le Seigneur Dieu, tous les ordres ecclésiastiques, prêtres, diacres, sous-diacres, acolytes, exorcistes, lecteurs, portiers, et tous les clercs, tous les religieux et toutes les religieuses, tous les jeunes gens et les enfants, les pauvres et les indigents, les rois et les princes, les ouvriers, les laboureurs, les serviteurs et les maîtres, toutes les vierges, celles qui gardent la continence, les épouses, les laïques, hommes et femmes, tous les petits, les adolescents, les jeunes et les vieux, les bien portants et les malades, tous les humbles et les grands, tous les peuples et les races, les tribus et les gens de toutes langues, toutes les nations et tous les hommes de la terre entière, ceux qui sont et ceux qui seront, nous les prions humblement et nous les supplions, nous tous frères Mineurs, serviteurs inutiles, de nous demander la grâce de persévérer tous dans la vraie foi et dans la pénitence, car personne autrement ne peut être sauvé.

Aimons tous, de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit, de toute notre force et de toute notre puissance, de toute notre intelligence et de toutes nos facultés, de tous nos efforts, de toute notre affection, de toutes nos entrailles, de tous nos désirs et nos volontés, le Seigneur Dieu qui nous a donné et qui nous donne à tous tout notre corps, notre vie, qui nous a créés et rachetés et qui nous sauvera par sa seule miséricorde, qui nous a donné et nous donne tous les biens à nous misérables et malheureux corrompus et infects, ingrats et méchants.

Que nos désirs et notre volonté, nos goûts et nos joies n’aient donc d'autre objet que notre Créateur, Rédempteur et Sauveur, seul vrai Dieu, qui est le bien dans sa plénitude, tout le bien, le bien entier, le vrai et souverain bien, seul est bon, miséricordieux et doux, aimable et plein suavité, qui seul est saint, juste, vrai et droit, qui seul est bienveillant, immaculé et pur, de qui, par qui et en qui sont tout pardon, et toute grâce, et toute gloire de tous les pénitents et de tous les justes, de tous les bienheureux qui se réjouissent ensemble dans les cieux. Ainsi donc que rien ne nous arrête, que rien ne nous sépare, que rien ne s'interpose entre nous. Partout, en tout lieu, en toute heure et en tout temps, croyons tous, chaque jour et continuellement, vraiment et humblement, possédons dans notre cœur et aimons, honorons, adorons, servons, louons et bénissons, glorifions et exaltons au-dessus de tout, magnifions et remercions le très haut et souverain Dieu éternel, Trinité et Unité, Père, Fils et Saint-Esprit, Créateur de toutes choses, Sauveur de ceux qui croient en lui, qui espèrent en lui et qui l'aiment, lui qui n'a ni commencement ni fin, qui est immuable, invisible, inénarrable, ineffable, incompréhensible, insondable, béni, digne de louanges, glorieux, exalté au-dessus de tout, sublime, élevé, suave, aimable, délectable, et toujours, et entièrement, et par-dessus toutes choses désirable dans les siècles des siècles.

Au nom du Seigneur je demande à tous les frères d'apprendre les termes et le sens de ce qui est écrit dans cette règle de vie pour le salut de notre âme, et de se les remémorer fréquemment. Et je supplie Dieu, lui qui est tout-puissant, trine et un, de bénir lui-même tous ceux qui les enseignent, les apprennent, les possèdent, les retiennent et les mettent en pratique, chaque fois qu'ils se rappellent et qu'ils observent ce qui est écrit ici pour notre salut. Et je les prie tous, en leur baisant les pieds, d'aimer beaucoup, de garder et de conserver ces paroles.

Et de la part de Dieu tout-puissant et du seigneur pape, et au nom de l'obéissance, moi, frère François, je prescris fermement et j'ordonne qu'à tout ce qui est écrit dans cette règle de vie nul ne retranche ni n'ajoute rien, et que les frères n'aient pas d'autre règle.

Gloire au Père au Fils et au Saint Esprit. Comme il était dès le commencement, maintenant et toujours dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

 

Invention de la Crêche à Graccio - Giotto

 


Source :Saint François d’Assise. Documents. Écrits et Premières biographies, DESBONNETS, T., VORREUX,

D. Éditions Franciscaines, 2e édition, Paris, 1968, 1504 p.